
Une rencontre littéraire entre mémoire, déracinement et transmission
Jeudi 10 juillet, la Maison communale de Wonche à Baie-Mahault a accueilli une rencontre littéraire bouleversante et habitée, autour du thème : « Les effets de l’exil sur la création littéraire et artistique ». Un événement proposé dans le cadre du Prix de l’Excellence Littéraire Guy Tirolien, organisé par la Ville, et qui a rassemblé un public nombreux et profondément touché.
Trois voix puissantes, une thématique universelle
Modérée avec finesse par Vanessa Bougrer-Cinqval, la rencontre a réuni deux figures engagées du monde littéraire et artistique caribéen :
- Didier Mannette, poète, éditeur, dont la parole intime et puissante ne cesse d’interroger l’absence, la distance et la mémoire ;
- Yaël Selbonne, autrice, écrivaine de l’intime et réalisatrice du long métrage Sur les traces des Guy Tirolien, une œuvre documentaire saluée pour sa profondeur et son humanité.
L’exil comme blessure… et comme éclaircie
Tous deux ont partagé leur expérience personnelle de l’exil, ses effets sur leur processus créatif, et la manière dont cette déchirure géographique devient une matière poétique et politique.
Didier MANNETTE a ainsi livré une anecdote qui a suspendu l’assemblée :
Un soir, seul chez moi, j’ai cru entendre un moustique me chanter dans l’oreille… Ce n’était pas une hallucination, c’était un appel. Un écho. Celui de mon île.
Cet instant, à la fois déroutant et poignant, révèle la force du souvenir sensoriel. Le moindre bruit, la plus infime sensation devient un fil invisible reliant l’exilé à sa terre natale. Loin de l’île, on découvre à quel point elle nous habite.
Yaël SELBONNE, quant à elle, a évoqué l’exil comme un catalyseur de reconnexion :
L’éloignement ravive en nous la beauté des choses simples. Celles qui, avant, passaient inaperçu.
Ce déplacement contraint ou volontaire pousse l’artiste à redécouvrir la valeur de ce qui était jusque-là ordinaire : une odeur de bois fumé, le chant d’un grillon, une parole créole.
Une soirée en résonance avec l’œuvre de Guy Tirolien
La rencontre a aussi permis de mettre à l’honneur Guy Tirolien, figure majeure des lettres guadeloupéennes, dont l’héritage irrigue toujours la création contemporaine.
Des extraits de ses textes ont été lus à haute voix — notamment « Prière d’un petit enfant nègre », poème emblématique — dans un moment d’une grande intensité.
Le film documentaire de Yaël Selbonne, “Sur les traces des Guy Tirolien“, qui explore l’itinéraire de l’auteur entre Afrique, Caraïbe et Europe, a également été évoqué comme une œuvre de mémoire essentielle.
Un public à l’écoute, ému et impliqué
Le public, composé d’habitants de Baie-Mahault, mais aussi de passionnés de littérature et d’admirateurs de Guy Tirolien, a été profondément touché par la sincérité des échanges.
On a pu y voir des regards humides, des silences éloquents, et un désir commun de faire vivre cette parole qui transcende les frontières et les générations.
Un moment de partage hors du temps
Plus qu’un simple événement littéraire, cette rencontre fut un moment d’introspection collective, où chacun a pu se reconnaître dans les récits de déracinement, de nostalgie, mais aussi de renaissance.
Elle a montré combien la littérature peut devenir lieu de guérison, de mémoire vivante, et d’affirmation identitaire.
Retour en images
La rencontre « Les effets de l’exil sur la création littéraire et artistique » à Wonche a brillamment rempli sa promesse : créer un espace de dialogue sincère autour de la mémoire, du lien à la terre, et de la manière dont l’exil, loin d’être silence, devient mot, chant, et geste de transmission.
Un rendez-vous littéraire majeur, qui s’inscrit dans le sillage du Prix Guy Tirolien, et dans une ambition claire de donner toute sa place à la parole caribéenne dans sa complexité, sa beauté et sa force d’évocation.